mardi 3 juillet 2012

Lettre de démission de Hisham Sayegh


Lettre de démission du directeur des fouilles du site du Port Phénicien Hisham Sayegh, en date du 27 juin 2012, distribuée aux médias, en arabe, telle qu'elle circulait sur internet.

Lettre Ouverte au Ministre de la culture
Monsieur Gaby Layoun.


Jamais l’archéologie au Liban n’a assisté, depuis les siècles derniers, ni durant les guerres des époques anciennes, ni durant l’invasion israélienne de Beyrouth et ses bombardements, à une destruction comme celle à laquelle elle assiste depuis votre prise de fonction au ministère de la culture. En vain, j’essayai de me convaincre que la destruction des sites archéologiques et des demeures traditionnelles n’avait aucun lien avec vous, et que l’archéologue contractuel, Asaad
Seif, proche de vous, habitué à enfreindre et détourner les lois au sein de la Direction Générale des Antiquités ou DGA, était à l’origine, à votre insu, de la destruction des trésors du Liban.


Ainsi, et en espérant qu’une réparation permettrait le retour des choses à la normale, je me suis imposé un silence amer en subissant vos reproches et vos pressions, la dernière en date étant votre refus de signer le renouvellement de mon contrat à la DGA, sans aucune justification, et ce seulement parce que j’étais cet archéologue qui a découvert en l’an 2011 le site du port phénicien sur la parcelle n° 1398 à Minet El-Hosn, et qui a rédigé un rapport scientifique à ce sujet et a voulu préserver
le site.


Partant de mes principes de croyance en Dieu, dans le Liban, dans l’État et dans la loi, j’ai refusé avec les précédents ministres de la Culture les pots de vins qui nous ont été proposés généreusement par la société VENUS propriétaire dudit bien-fonds afin que nous acceptions de falsifier et détourner la vérité scientifique sur l’origine et l’importance de cette découverte au cœur de la capitale Beyrouth.


Mais ce dont j’ai été témoin hier et dont ont été témoins les Libanais, à travers les médias, d’une telle destruction programmée de ce site phénicien, avec votre accord, et d’un tel rasement en quelques minutes de monuments et de vestiges qui datent de milliers d’années, tout cela ne m’a pas seulement fait mal, mais m’a transpercé comme une balle, qui ne m’a pas épargné pour que je survive, ni tué pour que je rejoigne les vestiges de ma patrie.


Monsieur le ministre de la Culture Gaby Layoun,
excusez-moi, je ne peux plus rester ce témoin muet, de la Direction Générale des Antiquités (DGA), sur la destruction des vestiges de mon pays et la falsification de leur identité, plutôt que d’être celui qui veille sur sa protection, le préservant afin de le transmettre aux générations futures


Ainsi j’ai décidé de m’adresser, à travers cette lettre, à la nation, à la Justice et à l’Histoire, annonçant ma démission de mes fonctions à la DGA en espérant que les Libanais et l’Histoire excuseront mon incapacité de préserver les vestiges de mon pays au sein de la DGA, qui à travers des pratiques illicites exercées depuis votre prise de fonction, est devenue désormais faible et marginale à travers la publication de rapports faussés et non scientifiques pratiqués par des décideurs pour détruire les sites historiques les uns après les autres. Sur ce, j’espère que vous considèrerez ma lettre comme information auprès des autorités judiciaires compétentes.


Beyrouth, le 27 juin 2012
L’archéologue Hisham Sayegh

2 commentaires:

  1. On arrive a un certain pragmatisme malheureusement, cette demission ne va rien changer, mais je crois tjrs aux actes inidivuels comme celui la.... On continue, c'est tout ce qu'on peut faire sans sombrer dans le defaitisme.

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    1. Le système est en effet tellement corrompu, par une classe politique sclérosée, que toute tentative de changement est étouffée dans l'oeuf, quitte à étouffer son propre oeuf, les épisodes Ziad Baroud et Charbel Nahas à l'appui. Après avoir longtemps subi les années Hariri, on se rend compte que l'alternative est tout aussi atteinte.

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