"Je ressens une très grande répulsion et un profond mépris pour quelqu'un comme Bousquet, mais quand je pense à la bêtise de son assassin, à l'immensité de la perte que son geste représente pour les historiens, aux révélations qui n'auraient pas manqué lors du procès et dont il nous a irrémédiablement privés, je me sens submergé de haine. Il n'a pas tué d'innocents, c'est vrai, mais c'est un fossoyeur de la vérité. Et tout ça pour passer trois minutes à la télé! Monstrueuse, stupide excroissance warholienne! Les seuls qui auraient dû avoir un droit de regard moral sur la vie et la mort de cet homme, ce sont ses victimes, les vivants et les morts qui sont tombés dans les griffes nazies par la faute d'hommes comme lui, mais je suis sûr qu'eux le voulaient vivant. Quelle déception a dû être la leur à l'annonce de ce meurtre absurde! La société qui produit de tels comportements, de tels aliénés, me dégoûte. "Je n'aime pas les gens indifférents à la vérité", a écrit Pasternak."
Laurent Binet, HHhH, Le Livre de Poche, 2011, p.324